Les messages contraignants : comment les assouplir pour une vie plus saine et plus heureuse

Hérités de notre éducation, les messages contraignants sont issus des expressions et injonctions que nous avons entendues fréquemment dans notre enfance, et qui étaient la condition sine qua non de l’obtention de la reconnaissance de nos parents ou des personnes qui nous ont élevés ou qui ont participé à notre éducation, comme nos professeurs.

Les messages contraignants ont un double effet pervers. Ils régissent nos comportements malgré nous et parfois aux dépends de ce qui est bon pour nous, favorisant la dévalorisation et la faible d’estime de soi. Nous sommes une combinaison unique de ces messages et nous accordons à chacun un degré d’importance et de nécessité très variable qui ne favorise pas l’universalité de la distinction entre ce qui est “bien” et ce qui ne l’est pas. Dans le même temps, un message contraignant détermine nos attentes vis à vis des autres. La contradiction entre les deux peut s’avérer franchement problématique sur le plan relationnel. Cela entraine des frustrations, malentendus et incompréhensions, des insatisfactions, du jugement, de la dévalorisation,  de la pression subie ou exercée,… Les messages contraignants sont donc à la fois cause et conséquence du stress.

Cependant, à chaque message contraignant correspondent des aptitudes spécifiques. L’idée est donc, comme toujours, non pas d’éradiquer purement et simplement un comportement qui peut s’avérer bénéfique dans certaines situations, mais plutôt d’en garder ce qui nous convient et de modifier ce qui ne nous convient pas.

Dans cet article, vous allez découvrir les messages contraignants, les comprendre et les assouplir.

1. Sois fort

Hérité de discours du type “il faut être courageux”, “un grand garçon ne pleure pas”, « tu es trop sensible », “ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts”, « d’autres sont plus malheureux »,…

– Difficultés : le sois fort évite de montrer ses émotions, pense qu’il doit se débrouiller seul, toute autre façon de faire serait un aveu de faiblesse. Il a tendance à être rigide et intolérant et méprisant envers ceux qu’il considère comme des faibles

– Bénéfices : résistant à la pression et doué pour trouver des solutions ou gérer des situations de crise.

  • Connaissance de soi : “sois fort”

Orienté résultats, éminemment capable de faire face à des situations de crise, le “sois fort” maîtrise ses émotions et s’écoute peu. Autonome, il a est un as de la résolution de problème. Peu préoccupé par l’expérience émotionnelle associée à la situation, il est enclin à chercher des solutions selon des critères plus neutres et objectifs. Dans ses interactions avec les autres, le sois fort peut se montrer très exigeant et montrera facilement du mépris envers tout ce qu’il considère comme une “faiblesse”.  Il peut commencer par prodiguer aide et conseils, puis finir par faire à la place de l’autre.

Ce qui peut ressembler à de bonnes intentions a le défaut majeur d’instaurer une relation inégalitaire, dans laquelle le “sois fort” sauveur n’encourage guère l’autonomie et cache souvent un manque de confiance qui le pousse à s’installer dans la dominance du fort. C’est aussi pour cela qu’il lui est indispensable de cacher tout ce qui pourrait être interprété comme une faiblesse (ses émotions, par exemple), et ainsi il finit déconnecté de ce qui le rend vulnérable.

Des messages entendus pendant son éducation, il a retenu qu’il faut se débrouiller seul dans la vie, qu’il faut être fort et courageux, que les sentiments sont des faiblesses,…

Le “sois fort” donne l’image d’une personne autonome et indépendante, parfois méprisante et rigide, n’ayant besoin de l’aide de personne, ce qui peut susciter l’admiration, mais aussi l’inscrire dans un isolement relationnel et émotionnel difficile à vivre.

  • Assouplir un “sois fort”

Comme pour tous les messages contraignants, il ne s’agit pas d’éliminer en bloc un comportement, mais plutôt d’en identifier les avantages et les inconvénients, de s’autoriser d’autres comportements, pour déterminer ceux qui nous débarrassent des inconvénients. En bref, il s’agit de savoir assouplir le “sois fort” dans les situations où il nous dessert.

En plus des questions ci-dessous, le “sois fort” gagnerait à se reconnecter à ses émotions pour éviter de finir en burn out, car ce qu’il prend pour de la “maîtrise des émotions” est en réalité la négation d’une fonction naturelle qui lui envoie des messages importants sur ce qui lui convient et ce qui ne lui convient pas. A trop les ignorer, il risque de ne pas voir les signaux qui indiquent que la coupe est pleine.

Quelles sont les convictions qui vous poussent à être “sois fort” ?
A qui appartiennent ces convictions ?
Quelle est la différence entre une faiblesse et une fragilité ?
Que se passe-t-il exactement si vous exprimez vos sentiments, vos émotions, si vous montrez votre fragilité ?
Dans quelles situations votre “sois fort” est-il un moteur positif ?
Dans quelles situations vous joue-t-il des tours pendables ?
Quels aspects allez-vous conserver ?
Dans les situations où “sois fort” vous dessert, que serait-il plus juste de croire ?
Quel mode de fonctionnement vous serait plus bénéfique ?
Comment le mettre en place ?

2. Sois parfait

Hérité de discours du type : « tu dois être le premier, avoir la meilleure note », “tu peux mieux faire”, “c’est pas mal mais j’attendais mieux de toi”,…

–  Difficultés : le sois parfait est perfectionniste, insatisfait et exigeant, il craint le jugement et le manque de contrôle.

– Bénéfices : travailleur, capable de nombreux accomplissements, produit un boulot d’excellente qualité.

  • Connaissance de soi : « sois parfait »

Bosseurs et capables de grandes choses, les “sois parfait” peuvent produire un travail de grande qualité. Ils peuvent être doués pour planifier, pour envisager les différents aspects, tenants et aboutissants d’une tâche ou d’un projet et favoriser ainsi son accomplissement.

Exigeants, ils ont tendance à accorder beaucoup d’attention aux détails, à placer la barre très haut et sont souvent insatisfaits de leurs performances. Dans leurs relations aux autres, ils ont tendance à avoir des exigences excessives, à voir davantage ce qui ne va pas que ce qui va.

Souvent, les “sois parfaits” craignent l’échec et la perte de contrôle sur les événements. Ils peuvent se laisser déborder par des recherches et des réflexions coûteuses en temps et en énergie. Ils préfèrent faire eux-mêmes et ont du mal à déléguer.

  • Assouplir l’impact d’un “sois parfait”

On dit souvent que pour sortir des messages contraignants, l’idée est de les remplacer par un message permissif. Dans le cas du “sois parfait” se serait par exemple “j’ai droit à l’erreur”. Est-ce réellement suffisant quand le cerveau, ce logiciel interne ultra fiable croit fermement le contraire ? Le « sois parfait » est invité à se rappeler qu’il a les qualités de ses défauts alors d’accepter d’être parfaitement imparfait.

Que se passe-t-il exactement quand vous accomplissez une tâche de manière imparfaite ?
Dans quelles situations votre “sois parfait” est-il un moteur positif ?
Dans quelles situations vous joue-t-il des tours pendables ?
Quels aspects allez-vous conserver ?
Dans les situations dans lesquelles votre “sois parfait” vous dessert, que serait-il plus juste de croire ? Quel mode de fonctionnement vous serait plus bénéfique ?
Comment le mettre en place ?

3. Fais plaisir

Hérité de discours type “fais plaisir à ta mère”, “tu me fais de la peine”, “ne sois pas égoïste”, “sois gentil”, « sois sage »,…

– Difficultés : le fais plaisir craint de décevoir, il se laisse envahir par les autres, recherche l’approbation, ne sait pas dire non. Il est susceptible et se sent facilement victime de son dévouement.

– Bénéfices : de bonne compagnie, empathique et altruiste.

  • Connaissance de soi : « fais plaisir »

Doué d’une grande flexibilité, le “fais plaisir” répond favorablement aux sollicitations. Altruiste par excellence, il s’évalue lui-même par le regard des autres, donc il a besoin de plaire et pense que, pour y parvenir, il est indispensable de mettre les besoins et envies des autres avant les siens.

Conciliant et attentionné, il est toujours prêt à aider. Il prend grand soin de ses contemporains, se préoccupe de leur bien-être, se plie en quatre pour eux et peut aller jusqu’à anticiper leurs besoins.

D’un naturel agréable, positif, compréhensif et encourageant, il est apprécié dans le travail d’équipe pour sa tendance à éviter les conflits, à être diplomate et bienveillant, à favoriser les décisions prises de façon collégiale, dans un système participatif où chacun peut s’exprimer.

Pour se sentir aimé et accepté des autres, le “fais plaisir” va donc se soumettre aux volontés de son entourage. Le problème, c’est qu’il s’oublie derrière les désirs des autres. Victime d’un message culpabilisant par excellence, le “fais plaisir” finit convaincu que s’il n’accède pas aux exigences ou simples envies des autres, il va finir rejeté et seul.

Il peut facilement tomber dans la dépendance affective ou s’épuiser dans la recherche illusoire d’approbation. Le déni de soi au profit des autres le mène à beaucoup d’insatisfaction et de frustration, de sentiment d’ingratitude.

Il a du mal à prendre des décisions, en particulier si elles affectent d’autres personnes. Il a aussi du mal à exprimer ses opinions ou ses désirs, à demander quelque chose pour lui, à fixer des limites. Du coup, il obtient rarement ce à quoi il aspire ou estime avoir droit.

  • Assouplir un « fais plaisir »

Il est sans doute peu surprenant que le driver “fais plaisir” soit plus fréquent que les autres (68% contre 42% à 60% pour les autres), tant le chantage affectif qu’il exerce est un moyen très pratique pour les parents de faire pression sur leurs enfants pour en obtenir de l’obéissance.  Le “fais plaisir” est hérité d’injonctions du type “sois gentil avec papa”, “s’il te plaît, pour me faire plaisir”, “une cuillère pour maman”, “ça n’est pas gentil ce que tu as fait là”,…

Comme à chaque fois, il est utile de faire la distinction entre les avantages et les inconvénients de la façon d’exprimer le“fais plaisir” pour conserver ses bénéfices et diminuer ses inconvénients.

Quelles sont les convictions que vous associez à l’idée qu’il “faut faire plaisir” ?
Quels sont les bénéfices de ces convictions ? Que vous coûtent-elles ?
Dans quelles situations allez-vous conserver votre “fais plaisir” ?
Que se passe-t-il si vous vous faites plaisir à vous-même ?
Qu’allez-vous faire pour vous faire davantage plaisir ?

4. Dépêche-toi

Hérité de discours type « dépêche-toi », “arrête de traîner”, « on va encore être en retard », “tu es trop lent”,…

– Difficultés : agité et impatient, le dépêche-toi se met beaucoup de pression pour en faire toujours plus. Il s’ennuie facilement et préfère la rapidité à la qualité. Prend en charge plus que ce qu’il peut faire.

 – Bénéfices : peut honorer des délais très courts, se met en mouvement rapidement, réactif.

  • Connaissance de soi : “dépêche-toi”

Pour le “dépêche-toi”, le temps est un bien trop précieux pour être gâché en circonvolutions inutiles. Très efficace, il sait travailler vite et a une grande capacité à être performant dans l’urgence, à obtenir des résultats rapidement, à faire avancer les projets en allant droit au but, en se débarrassant de l’inutile et du superflu.

Rapide et réactif, le “dépêche-toi” va facilement développer des solutions pour accélérer les procédures et il peut être très autonome justement parce qu’il laisse les autres loin derrière lui. Cependant, il peut aussi, dans son désir d’aller toujours plus vite, s’agiter, s’éparpiller, faire les choses à moitié.

Le “dépêche-toi” a une fâcheuse tendance à presser les autres pour qu’ils s’adaptent à son rythme effréné et à se montrer impatient, jusqu’à l’excès. Il met ainsi beaucoup de pression sur son entourage. Il devient un persécuteur focalisé sur le temps, qui a tendance à oublier d’expliquer les choses, à éventuellement faire à la place des autres pour gagner quelques précieuses minutes, à mépriser ce qu’il considère comme une lenteur intolérable et à finir ultra stressé et ultra stressant.

  • Assouplir un “dépêche-toi”

L’enfant, a beaucoup entendu des expressions du type “arrête de traîner”, “il faut se dépêcher”,… qui sont restées gravées et sont devenues des façons de fonctionner. Comme tous les messages contraignants, le “dépêche-toi” a ses avantages et ses inconvénients, alors plutôt que de “lutter contre” un mode de fonctionnement bien ancré en essayant de l’éliminer, il convient d’identifier les situations dans lesquelles il peut être utile et celles dans lesquelles il est coûteux en énergie et inconvénients.

Quelles sont les convictions associées pour vous à l’idée qu’il est essentiel d’aller vite ?
Dans quelle mesure ces convictions vous sont-elles utiles ?
Dans quelle mesure vous desservent-elles ?
Si vous augmentez de 20% le temps que vous vous accordez pour accomplir une tâche, que se passe-t-il ?
Dans quelles situations voulez-vous garder votre moteur “dépêche-toi” ?
Dans quelles situations allez-vous ralentir et vous accorder un temps moins stressant ?
Comment pouvez-vous vous y prendre, concrètement, pour mettre ce changement en place ?

5. Fais des efforts

Hérité de discours du type “donne-toi un peu de mal”, « on a rien sans rien », “fais-en plus”,…

– Difficultés : le fait des efforts pense que toute réussite valable passe par des tâches pénibles. Il a tendance à compliquer les choses et à penser que les autres sont paresseux. Il est insatisfait et craint la critique.

– Bénéfices : patient et persévérant, donne le meilleur de lui-même et est prêt à aider les autres.

  • Connaissance de soi : « fais des efforts »

Travailleur acharné et scrupuleux, le “fais un effort” s’implique pleinement dans ce qu’il fait et est capable de déployer une énergie énorme pour faire aboutir les projets qui lui tiennent à cœur. Les obstacles et les difficultés ne lui font pas peur et il les prend à bras le corps. Il aime se dépasser et n’a aucune hésitation à retrousser ses manches, à aller au charbon, à payer de sa personne.

Doué dans l’anticipation et la résolution de problèmes, il est actif, appliqué, studieux et reconnaît volontiers les efforts produits par les autres. Il fait preuve d’énormément de bonne volonté, ainsi que de persévérance, d’endurance, de détermination.

Le ‘fais un effort” peut aussi se montrer besogneux, entêté et se décourager, à force d’efforts pas toujours utiles ou nécessaires. Trop absorbé par l’importance de l’énergie à déployer, il peut avoir du mal à finir car le résultat ne l’intéresse pas. Il a du mal à s’autoriser le plaisir et peut aller jusqu’à compliquer les tâches pour pouvoir y mettre de l’effort, ce qui peut être très pénible pour son entourage. Il a aussi tendance à minimiser les résultats obtenus de façon fluide et sans effort majeur, ce qui peut le conduire à dévaloriser les accomplissements des autres (et les siens aussi, d’ailleurs). Il peut être pessimiste et négatif.

  • Assouplir un “fais un effort”

Comme pour les autres messages contraignants, préoccupons-nous de distinguer les avantages et les inconvénients de votre propre façon d’être “fais un effort”, de manière à diminuer l’intensité des derniers et de conserver les bénéfices des premiers.

Quelles sont les convictions que vous associez à la nécessité de faire des efforts pour réussir ?
Dans quelles situations vous servent-elles ?
Dans quelles situations vous desservent-elles ?
Que se passe-t-il si vous simplifiez vos tâches ?
Que se passe-t-il si vous vous intéressez au résultat plutôt qu’à la manière d’y parvenir ?
Que se passe-t-il si vous acceptez que la réussite vaut ce qu’elle vaut, indépendamment de ce qui a été mis en œuvre ?

Pour les parents

En tant que parents, il est utile de prendre conscience des messages que nous avons intégrés par le discours de nos propres parents, et de les remplacer par des formulations qui favoriseront l’épanouissement des enfants.

Voici quelques exemples :

  • Sois fort : « on a des forces et tes faiblesses », « n’hésite pas à demander de l’aide»,  « on apprend tous les jours ».
  • Sois parfait : «  tu as le droit de faire des erreurs », « je t’aime comme tu es ».
  • Fais plaisir : « fais-toi plaisir »,  « de quoi as-tu besoins », « exprime tes émotions », « fais confiance à ton ressenti ».
  • Dépêche-toi : « c’est l’heure d’y aller », « prends ton temps ».
  • Fais des efforts : « fais-le, simplement », « prends du plaisir ».

Les messages contraignants sont des messages qui imposent une pression. Il est utile d’en prendre conscience et de les assouplir pour qu’au lieu d’être contraignants, ils soient soutenant dans votre développement personnel et votre relation avec les autres.

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